Par Me Jérémy AUTHIER

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Le contrat de mariage de communauté universelle est un régime matrimonial qui permet aux époux de mettre en commun tous leurs biens, qu’ils soient présents ou à venir. Ce régime peut répondre à un objectif de protection du conjoint survivant, mais il doit être manié avec précaution, notamment en présence d’enfants non-communs.

Qu’est-ce qu’un contrat de mariage en communauté universelle ?

📌Le régime de communauté universelle est un régime matrimonial conventionnel, prévu par le Code civil, dans lequel tous les biens des époux deviennent communs, quels que soient leur date ou mode d’acquisition (article 1526 du Code civil).

Contrairement à la communauté réduite aux acquêts (régime légal par défaut), ce régime fusionne entièrement les patrimoines des époux. Il est nécessairement établi par acte notarié, soit avant le mariage, soit par changement de régime matrimonial (article 1397 du Code civil).

Il peut également intégrer une clause d’attribution intégrale au profit du conjoint survivant, qui lui permet d’hériter de la totalité des biens communs, sans partage avec les héritiers.

Les apports à la communauté : une formalité essentielle

🧾Adopter la communauté universelle n’implique pas automatiquement que tous les biens deviennent communs. Certains biens peuvent rester propres, notamment :

  • les biens reçus par donation ou succession,

  • les biens acquis avant le mariage.

👉 Pour que ces biens soient inclus dans la communauté, il faut impérativement réaliser un apport à la communauté par acte notarié. Cet apport peut être effectué au moment de la signature du contrat ou ultérieurement.

💡 Exemple : si un époux possède un appartement acheté seul avant le mariage, ce bien restera propre sauf si un apport à la communauté est expressément réalisé.

Avantages du contrat de communauté universelle

⚖️ Ce régime offre plusieurs avantages juridiques et fiscaux :

  • Simplicité de gestion : un patrimoine unique, géré en commun.

  • Protection du conjoint survivant : notamment avec la clause d’attribution intégrale.

  • Transmission facilitée : pas d’indivision entre conjoint et enfants au premier décès.

  • Économie de droits de succession : exonération totale entre époux.

Familles recomposées : attention à l’impact successoral

🧠 Dans le contexte d’une famille recomposée, l’adoption d’un régime de communauté universelle avec clause d’attribution intégrale peut avoir des conséquences successorales importantes, voire problématiques pour les enfants issus d’un premier lit.

Pourquoi ce régime peut poser problème ?

🔍 La clause d’attribution intégrale permet au conjoint survivant de recueillir la totalité du patrimoine commun, sans partage avec les héritiers, au décès du premier époux. Ce mécanisme est particulièrement protecteur pour le conjoint survivant, mais il neutralise temporairement les droits successoraux des enfants, en particulier ceux non issus du couple.

Or, le Code civil impose que chaque enfant reçoive au minimum une part de réserve héréditaire (articles 912 et suivants du Code civil). En l’absence de cette clause, les enfants du défunt héritent directement d’une quote-part de la succession. Mais avec une attribution intégrale, il n’y a pas de succession ouverte au premier décès sur les biens communs : tout est attribué au conjoint survivant.

Ainsi, les enfants issus d’une précédente union sont dans une situation d’attente et peuvent ressentir une exclusion injuste, car :

  • Ils ne reçoivent aucun bien ni argent au décès de leur parent.

  • Ils ne sont pas héritiers réservataires du conjoint survivant.

  • En cas de mésentente ou de remariage du survivant, ils peuvent être évincés du patrimoine familial ou voir ce patrimoine dilapidé.

Exemple concret

👨‍👩‍👧‍👦 Un homme a deux enfants d’un premier mariage. Il se remarie sous le régime de la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale. Au moment de son décès, tous les biens communs (maison, comptes bancaires, épargne) sont transmis à sa seconde épouse.

Les enfants du premier lit :

  • ne reçoivent rien,

  • ne peuvent pas forcer le partage,

  • doivent attendre que la belle-mère décède,

  • risquent de ne plus rien retrouver, surtout si la belle-mère dispose librement des biens ou s’en sépare de son vivant.

Cela peut engendrer des tensions familiales importantes, une perte de confiance et parfois même des contentieux judiciaires.

L’action en retranchement : un recours pour les enfants non communs

⚔️ Pour préserver les droits des enfants issus d’une précédente union, le Code civil (article 1527) prévoit une action en retranchement. Elle permet aux enfants non communs de contester l’effet d’une clause d’attribution intégrale, si celle-ci porte atteinte à leur réserve héréditaire.

🔎 Exemple :
Un homme marié sous ce régime avec clause d’attribution intégrale décède. Il laisse une épouse survivante et une fille issue d’un premier mariage. La totalité du patrimoine commun est attribuée à l’épouse. L’enfant peut exercer l’action en retranchement pour réclamer sa part réservataire, équivalente à la moitié du patrimoine s’il est enfant unique.

Tableau récapitulatif : avantages et limites

Avantages ⚠️ Limites / précautions
Fusion totale du patrimoine Nécessité d’apports notariés pour certains biens
Clause de protection du conjoint survivant Atteinte possible aux droits des enfants non communs
Absence d’indivision au 1er décès Action en retranchement des enfants non communs
Transmission facilitée Peut créer des tensions dans les familles recomposées

À retenir

✅ Le contrat de mariage de communauté universelle est un outil patrimonial puissant, notamment pour les couples souhaitant unir totalement leur patrimoine et protéger le conjoint survivant. Mais dans un contexte de famille recomposée, il doit être envisagé avec vigilance.

Un accompagnement notarial est essentiel pour :

  • identifier les biens à apporter à la communauté,

  • évaluer les impacts successoraux,

  • prévenir les conflits familiaux, en informant et associant les enfants dans la réflexion.

Conclusion : un choix à encadrer avec votre notaire

📝 Le contrat de mariage de communauté universelle, surtout lorsqu’il comporte une clause d’attribution intégrale, constitue un outil puissant de gestion et de transmission du patrimoine. Il peut répondre à des objectifs précis : protéger son conjoint, simplifier la gestion successorale, ou encore organiser une transmission fluide en l’absence d’héritiers directs.

Mais ce régime n’est pas sans conséquences, notamment en présence d’enfants d’une précédente union. Il nécessite une analyse personnalisée de votre situation familiale, patrimoniale et successorale.

💡 Bon à savoir : le changement de régime matrimonial vers la communauté universelle coûte 280 € d’émoluments notariaux (tarif réglementé), hors frais liés à d’éventuels apports immobiliers, qui nécessitent un acte distinct et le paiement de droits d’enregistrement et de publicité foncière.

👉 C’est pourquoi il est essentiel de consulter votre notaire à chaque étape clé de votre vie : mariage, remariage, naissance d’enfants, acquisition de biens, succession… Votre notaire est là pour vous accompagner dans l’organisation stratégique de votre patrimoine, en toute sécurité juridique.

N’attendez pas qu’une difficulté survienne pour poser les bonnes questions.
Prenez rendez-vous avec votre notaire pour faire le point sur votre régime matrimonial et adapter votre contrat aux réalités de votre vie.

Par Me Jérémy AUTHIER

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