Par Me Jérémy AUTHIER
partager

L’adoption simple est une institution juridique qui permet de créer un lien de filiation sans effacer la filiation d’origine. Elle est ouverte à tout âge, y compris pour une personne majeure.
Ainsi, un adulte peut être adopté par une personne seule ou un couple, à condition que les conditions prévues par le Code civil soient respectées. Le juge conserve toujours un pouvoir d’appréciation, afin de vérifier que l’adoption est conforme à l’intérêt de l’adopté.
🔗 Source : articles 343 à 350 du Code civil
1° Conditions de fond
👤 Qui peut adopter ?
-
Une personne seule de 26 ans ou plus ; si elle est mariée/pacsée, le consentement de l’autre membre du couple est requis (sauf impossibilité de manifester sa volonté) : article 343-1 alinéa 2 du Code civil. NB : le concubin n’a pas à consentir
-
Un couple (marié non séparé de corps, pacsé ou concubin) justifiant d’un an de vie commune ou étant tous deux âgés d’au moins 26 ans : article 343 du Code civil.
📏 Écart d’âge adoptant/adopté
-
Règle générale : 15 ans (dispense possible pour justes motifs)
🔗 Source : article 347 du Code civil
-
Cas particulier — enfant de l’autre membre du couple (enfant du conjoint/partenaire/concubin) : écart réduit à 10 ans (dispense possible).
🔗 Source : article 371-1 du Code civil
🚫 Empêchements spécifiques
L’adoption entre ascendants/descendants en ligne directe et entre frères et sœurs est en principe prohibée, sauf motifs graves commandés par l’intérêt de l’adopté : article 346 du Code civil.
2° Consentements requis
✍️ L’adopté majeur doit consentir personnellement à l’adoption devant un notaire selon les formes de l’art. 348-3 du Code civil :
» Le consentement à l’adoption doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie après la naissance de l’enfant et éclairé sur les conséquences de l’adoption, en particulier s’il est donné en vue d’une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant.
Le consentement à l’adoption est donné devant un notaire français ou étranger, ou devant les agents diplomatiques ou consulaires français. Il peut également être reçu par le service de l’aide sociale à l’enfance lorsque l’enfant lui a été remis« .
❤️ Le conjoint ou partenaire de l’adoptant doit consentir si l’adoptant est en couple : article 343-1 alinéa 2 du Code civil
👪 Les parents biologiques de l’adopté majeur n’ont aucun rôle dans la procédure : article 348 alinéa 1 du Code civil (par lecture inversée).
3° Procédure et compétence
La demande d’adoption se fait par requête déposée au tribunal judiciaire du domicile de l’adoptant. Elle peut être rédigée sur papier libre ou à l’aide d’un formulaire Cerfa. L’assistance d’un avocat est généralement obligatoire, sauf si l’adopté a été accueilli avant l’âge de 15 ans.
Le ministère public est systématiquement appelé à donner son avis. L’affaire est examinée en chambre du conseil, c’est-à-dire à huis clos, mais le jugement est prononcé publiquement. Le juge apprécie librement l’opportunité d’accorder l’adoption, en tenant compte de l’intérêt de l’adopté et de l’équilibre familial global. Même si toutes les conditions légales sont remplies, le tribunal peut refuser de faire droit à la demande s’il estime que l’opération serait préjudiciable.
Si l’adoption est prononcée, elle produit ses effets à compter du jour du dépôt de la requête. La décision est ensuite mentionnée en marge de l’acte de naissance de l’adopté dans les quinze jours suivant sa date définitive. En cas de naissance à l’étranger, la décision est transcrite dans les registres d’état civil français.
4° Effets juridiques de l’adoption simple d’un majeur
👨👩👦 Filiation
- L’adopté conserve tous ses liens juridiques avec sa famille d’origine (obligations alimentaires, droits successoraux, empêchements de mariage, etc.).
🔗 Source : article 360 du Code civil
📝 Nom et prénoms
-
Nom ajouté : l’adoption simple ajoute le nom de l’adoptant à celui de l’adopté.
-
Consentement à partir de 13 ans : si l’adopté a plus de 13 ans, il doit donner son accord pour l’ajout ou la modification de son nom/prénom.
-
Double nom : si l’adoptant ou l’adopté porte un double nom, un seul nom de chacun peut être choisi. L’ordre est fixé par l’adoptant, avec le consentement de l’adopté (+13 ans).
-
Désaccord ou absence de choix : par défaut, le premier nom de l’adoptant est ajouté en deuxième position au premier nom de l’adopté.
-
Adoption par un couple (époux, partenaires de PACS ou concubins) :
-
un seul nom parmi ceux des deux peut être ajouté, dans la limite d’un nom ;
-
en cas de désaccord ou silence, le 1er nom des adoptants (par ordre alphabétique) est ajouté en 2ᵉ position au 1er nom de l’adopté.
-
-
Nom unique possible : le tribunal peut décider que l’adopté portera uniquement le nom de l’adoptant (ou des deux adoptants accolés, un seul nom chacun, dans l’ordre choisi).
-
Demande ultérieure possible : la substitution du nom peut être demandée même après l’adoption.
-
Prénoms : le tribunal peut modifier les prénoms de l’adopté à la demande de l’adoptant (ou des adoptants), mais l’accord de l’adopté est nécessaire s’il a plus de 13 ans.
🔗 Source : article 363 du Code civil
⚖️ Autorité parentale
-
Sans objet pour un adopté majeur.
🍽️ Obligations alimentaires
-
Obligation mutuelle entre adoptant et adopté. Les parents biologiques sont obligés subsidiairement si l’adopté ne peut pas obtenir les aliments de l’adoptant.
🔗 Source : article 364 du Code civil
💍 Mariage
-
Prohibitions entre adoptant et adopté, entre adopté et enfants de l’adoptant, etc.
-
Dispenses possibles par le président de la République dans certains cas, pour les mariages entre les enfants adoptifs du même adoptant ou entre l’adopté et les enfants de l’adoptant.
-
Les empêchements avec la famille d’origine subsistent.
🔗 Sources : article 366 du Code civil et articles 161 à 164 du Code civil.
⚰️ Successions
-
L’adopté hérite dans la famille adoptive comme un enfant biologique, mais il n’est pas héritier réservataire des ascendants de l’adoptant.
-
En cas de décès de l’adopté sans conjoint ni descendants : mécanisme de « succession anomale » (retour légal aux adoptants ou aux parents d’origine pour les biens donnés).
Principe :
- En cas d’adoption simple, l’adopté hérite des 2 familles (parents biologiques et parents adoptifs). Il n’est pas héritier réservataire à l’égard de ses grands-parents adoptifs (ceux-ci peuvent le déshériter).
-
Si l’adopté meurt sans avoir eu d’enfants, les biens dont il a hérité ou qu’il a reçu sont l’objet d’un droit de retour (c’est-à-dire qu’il retournent dans le patrimoine de l’adoptant), s’ils existent encore.
-
Le reliquat des biens de l’adopté se répartit par moitié entre sa famille d’origine et celle de l’adoptant, tout en préservant les droits du conjoint survivant si l’adopté était marié.
🔗Sources : article 365 du Code civil et article 365-1 du Code civil
❌ Révocation
-
L’adoption simple peut être révoquée pour motifs graves, à la demande de l’adoptant ou de l’adopté (majeur), ou du ministère public si nécessaire.
-
La révocation produit ses effets pour l’avenir seulement (ex nunc), sauf concernant les prénoms (qui peuvent rester ceux pris selon décision judiciaire).
🔗 Sources : article 368 du Code civil, article 369 du Code civil et article 369-1 du Code civil
🌍 Nationalité
-
L’adoption simple ne confère pas automatiquement la nationalité française.
-
Si l’adoptant est français, l’adopté majeur peut éventuellement demander la nationalité par déclaration ou naturalisation selon les conditions applicables
🔗 Source : Service-Public.fr.
5° Fiscalité en matière de donations et de successions
Principe (article 786 du Code général des impôts)
En matière de droits de mutation à titre gratuit (DMTG), le lien né de l’adoption simple est, par principe, non pris en compte : sans exception applicable, l’adopté simple est taxé comme un tiers (barème : 60 %) et ne bénéficie pas des abattements en ligne directe (100 000 €).
🔗 Source : article 786 du Code général des impôts
Exceptions majeures (tarif/abattement en ligne directe possibles)
-
Enfant issu d’un premier mariage du conjoint de l’adoptant (article 786 1° du Code général des impôts).
-
Adopté mineur au moment de la donation/succession ayant reçu des secours et soins non interrompus pendant au minimum 5 ans (prise en charge continue et principale).
-
Adopté majeur ayant reçu des secours et soins non interrompus soit durant sa minorité pendant au minimum 5 ans, soit durant sa minorité + sa majorité pendant au moins 10 ans (prise en charge continue et principale).
-
Autres cas particuliers listés à l’article 786 du Code général des impôts (pupille, “anciens régimes”, etc.).
⚖️ Pratique : l’administration commente ces règles (BOFiP) ; la charge de la preuve des “secours et soins non interrompus” est déterminante. Bofip
🔗 Source : BOFiP
6° Focus : adoption de l’enfant majeur de l’autre membre du couple
-
Spécificité dans l’écart d’âge (10 ans au lieu de 15) ; aucune condition d’âge de l’adoptant propre, mais consentement requis du conjoint/partenaire si en couple.
-
Fiscalement, ce cas est l’un des principaux permettant l’application du régime de ligne directe (article 786-1° du Code général des impôts).
7° Étapes clés (check-list rapide pour le dossier)
-
Vérifier les conditions susvisées et la situation familiale (existence d’un conjoint/partenaire, enfants de l’adoptant, etc.).
-
Recueillir les consentements utiles :
-
adopté majeur devant notaire ;
-
conjoint/partenaire de l’adoptant (s’il y a lieu) ;
-
avis des enfants majeurs de l’adoptant (pièce usuelle du greffe).
-
- Compléter la requête en adoption (cerfa n°15739*03 en cas d’adoption à titre individuel ou cerfa n°17568*01 en cas d’adoption de l’enfant du conjoint, partenaire ou concubin)
-
Déposer la requête au tribunal judiciaire du domicile de l’adoptant, avec pièces d’état civil et options sur le nom.
-
Suivre la publicité d’état civil (mention/transcription).
-
Anticiper la fiscalité des transmissions projetées (donation/testament) au regard des exceptions de l’article 786 du Code général des impôts.
🔗 CERFA n°17568*01 : requête en adoption simple de l’enfant majeur du conjoint, partenaire ou concubin
🔗 NOTICE : requête en adoption simple de l’enfant du conjoint
🔗 CERFA n°15739*03 : requête en adoption simple d’un majeur par une personne à titre individuel
🔗 NOTICE : requête en adoption simple d’un majeur par une personne à titre individuel
Conclusion
L’adoption simple d’un majeur est un mécanisme juridique souple et puissant, permettant de donner une reconnaissance légale à des liens affectifs durables. Elle permet à l’adopté d’entrer dans une nouvelle famille sans rompre avec la sienne d’origine, et ouvre des droits en matière successorale et alimentaire.
Cependant, son impact est majeur : fiscalité complexe, succession anomale, obligations alimentaires, interdictions de mariage. C’est pourquoi il est essentiel de bien se préparer, de consulter un notaire et d’anticiper tous les effets juridiques et patrimoniaux.
Par Me Jérémy AUTHIER
Partager
Qu’est-ce qu’une donation entre parents et enfants ? La donation est définie à l’article 894 du Code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le [...]
💍 Se marier n’est pas seulement un engagement sentimental : c’est aussi un choix juridique et patrimonial qui mérite d’être réfléchi. Beaucoup de futurs époux ignorent qu’il existe plusieurs contrats [...]